Un Dieu violent avant Jésus-Christ ?

Passage de la Mer Rouge, Raphaël, Palais du Vatican.

Que dit la Bible ? L’Oasis n°1 : La Miséricorde.

La Miséricorde de Dieu révélée dans l’Ancien Testament s’accomplit dans le Nouveau Testament. Le Dieu de l’Ancien Testament est-il violent ? La réponse à cette question est NON, tout de suite.

Mais encore faut-il s’en expliquer. Il est vrai que, souvent, beaucoup pensent que Dieu est amour et Miséricorde dans le Nouveau Testament. Mais dans l’Ancien Testament, on retient souvent l’image d’un Dieu violent, guerrier, sanguinaire, vengeur …

Serions-nous marcionistes, c’est-à-dire que nous croirions que le Dieu de l’Ancien Testament est autre que le Dieu du Nouveau Testament ? Avons-nous bien lu, bien interprété la Bible, ou tout au moins les récits auxquels nous pensons ? Et quelle place faisons-nous à la continuité de la révélation entre les deux Testaments ?

En fait, s’il y a une tension entre les deux perceptions du Dieu violent et du Dieu amour, il n’en reste pas moins que le mystère du Dieu unique est entier et nous entraîne dans le riche paradoxe de la foi en ce Dieu qui n’aura jamais fini de nous surprendre et ne se laisse jamais enfermer dans une image.

Dieu crée par amour/Miséricorde et a un projet pour l’homme

Rappelons-nous : dans le premier récit de la création, Dieu donne à l’homme tout ce qu’il lui faut pour vivre heureux et paisiblement : « et il vit que cela était bon ». Son projet est que l’homme domine et prenne soin de la création. Il montre par là sa sollicitude et sa confiance en l’homme dans sa création.

L’histoire du salut ou la Miséricorde de Dieu dans l’histoire

Mais il ne laisse pas l’homme seul face à son avenir. Lorsque, dans le deuxième récit de la création, l’homme est confronté au serpent, Dieu ne reste pas à l’écart. Il s’engage dans l’histoire et vient prendre la défense de l’homme confronté à l’adversaire. Il s’inquiète : « Homme, où es-tu ? ». Dieu rencontre l’homme dans l’histoire. Et s’ouvre ici l’histoire du salut. Tout au long de l’histoire des hommes, Dieu est présent et se préoccupe de leur salut. Cette histoire se déroule de façon continue depuis les origines, encore aujourd’hui, et nous entraîne jusqu’à la fin des temps. Comme Dieu révélait son projet de libérer le peuple d’Israël de l’esclavage, il continue de s’impliquer dans l’histoire du salut de tous les hommes. Sa Miséricorde s’exprime ainsi : « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34,6 et Cf. Ps 144,8).

Une histoire d’alliance

Dieu manifeste son engagement avec les hommes en leur proposant son alliance. Il se lie et renouvelle l’alliance autant de fois que nécessaire, en dépit des ruptures d’alliance de la part des hommes. Il veut que la vie soit sauve. Comme le dit la Prière Eucharistique n°4 : « Comme il avait perdu ton amitié en se détournant de toi, tu ne l’as pas abandonné au pouvoir de la mort. Dans ta Miséricorde, tu es venu en aide à tous les hommes pour qu’ils te cherchent et puissent te trouver. Tu as multiplié les alliances avec eux, tu les as formés par les prophètes, dans l’espérance du salut. »

Mais alors, Miséricorde ou violence dans l’Ancien Testament ?

Certains récits bibliques résistent : on croit deviner un Dieu violent, sanguinaire, bien loin de l’image d’un Dieu de Miséricorde. On pense notamment au Dieu qui chasse l’homme et la femme du « paradis », au Dieu du déluge, au Dieu qui fait engloutir le Pharaon et son armée dans la Mer, le Dieu à qui on demande d’écraser ses ennemis… Mais a-t-on jamais lu ces récits en entier et de manière précise ?En fait, à chaque fois, et en dépit des mauvaises interprétations véhiculées et tenaces, ces récits visent à monter un Dieu déterminé dans son souci de sauver les opprimés, un Dieu qui veut faire cesser les violences et les facteurs de mort dans le monde, un Dieu tendre et maternel, comme l’expriment les mots hébreux traduits par « Miséricorde », à savoir les rahamim ou la hesed. Après tout, c’est là la volonté de Dieu : Os 6,6 : « C’est la Miséricorde que je veux et non les sacrifices. », repris par Jésus en Mt 9,13 ou Mt 12,7.

La Miséricorde : mission impossible pour l’homme ?

Si Dieu manifeste ainsi sa Miséricorde, il revient aux hommes non seulement de l’accueillir, mais encore de la mettre en œuvre. Les « œuvres de Miséricorde » sont présentées dans Is 61,1-2 et 58,6 : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu, consoler tous ceux qui sont en deuil». Ces œuvres de Miséricorde sont accomplies en Jésus Christ (cf. Lc 4,16-21) et sont appelées à devenir celles des hommes (Mt 25,31-46), maintenant.

Jésus Christ, visage de la Miséricorde du Père

Comme le dit le titre de la bulle d’indiction du pape François, Jésus est le visage de la Miséricorde, Misericordiae Vultus. Il accomplit la promesse de Miséricorde.

Le concile Vatican II l’exprime : on ne peut pas lire l’Ancien Testament sans lien avec le Nouveau Testament et inversement. Le rapport entre les deux est celui de l’accomplissement. Jésus vient manifester et accomplir le projet et la Miséricorde de Dieu. Il incarne lui-même la Miséricorde divine, par exemple dans sa réaction devant la veuve de Naïm, ou dans les paraboles de la Miséricorde de Lc 15. Ancien Testament et Nouveau Testament sont complémentaires. Cf. 1 Co 10,4 : Jésus, rocher spirituel, révèle la bienveillance du Dieu de l’Ancien Testament pour son peuple, son « premier-né » (Ex 4,23) dans le désert.

Cela met en perspective le projet de Dieu. Il a créé pour que l’homme accède librement à l’arbre de vie, au milieu du jardin. De même, en Ap 22,14, celui qui lave son vêtement dans le sang de l’agneau (le Christ) aura droit à l’arbre de vie. C’est donc bien toujours le même projet de Dieu, c’est le même Dieu bienveillant et miséricordieux. L’histoire du salut nous mène de l’Eden à la Jérusalem céleste.

En conclusion, on voit bien que la Miséricorde de Dieu se révèle dès l’Ancien Testament et se déploie dans le Nouveau Testament. Toute la Tradition porte et nourrit cette articulation entre Ancien Testament et Nouveau Testament. Une lecture plus précise des récits de violence donne des clefs pour mieux comprendre que c’est bien le Dieu de Miséricorde qui se révèle en son mystère. L’histoire du salut est en marche, car Dieu est Miséricorde, et Christ en est le visage.

P. Christophe Raimbault, exégète et vicaire général du diocèse de Tours

La vraie Miséricorde, c’est l’amour patient de Dieu pour le monde, pour chacun de nous.

Mgr Pierre-Marie Carré, Jubilé des catéchistes à Montpellier

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