Aménager et s’associer malgré l’autisme : deux actions-clés pour l’itinéraire de François !

Témoignage de la maman de François, un enfant autiste : Catherine raconte comment, avec la communauté paroissiale, elle l’accompagne sur son chemin de foi.

Quand François était petit, il courait partout, bougeait, criait et se démenait si on essayait de le tenir. Nous l’emmenions de temps en temps à la messe, en nous tenant dans la petite chapelle, car la porte juste à côté permettait de sortir et rentrer discrètement.

Étant moi-même animatrice d’aumônerie, j’ai assisté à la remise de croix d’un jeune trisomique avant sa profession de foi ; et c’est à ce moment précis que j’ai compris que Dieu était aussi là pour François …

L’animatrice de ce jeune, ainsi que le prêtre de notre secteur, qui avait déjà plus de 90 ans à l’époque – mais toute sa tête – nous ont soutenus pendant le cheminement de François.

Une progression qui respecte les différences

Il a fallu d’abord organiser sa présence au caté.

M-T est l’une des animatrices de 1ère année de notre village. Elle est aussi une amie qui nous soutient depuis le début, elle gardait François et ses grandes sœurs de temps en temps. François est donc allé dans son groupe de cinq enfants, mais avec des aménagements : il arrivait en fin de séance (20 minutes avant la fin), et je l’accompagnais.

De plus, j’aidais M-T à la préparation des séances et nous voyions ensemble ce qui pouvait convenir à François.

Pour la première rencontre, on a demandé à chaque enfant d’apporter sa photo, et chacun devait la coller sur un panneau représentant le groupe, ainsi François a pu participer de la même manière que ses camarades, qui auraient pu, eux, simplement écrire leur prénom !

Nous utilisions des images de Jean Vanier, des photos, le choix de mots-clefs. Par exemple, si on racontait l’Annonciation, on demandait à François d’écrire « Marie » sur son cahier ou le jour des Rameaux : « Hosanna » etc.

Par contre, ni la musique ni les films ne l’intéressaient, il courait partout dans la pièce et refusait de s’asseoir.

Au cours des trois années, les choses ont évolué, François a utilisé de mieux en mieux l’écriture, et un tout petit peu la lecture lors des rencontres. Bien sûr, il écrivait tout en majuscules et très gros et pas droit. Et là où les autres inscrivaient une ou plusieurs phrases, il n’écrivait qu’un mot.

Il s’est mis aussi peu à peu à découper et coller tout seul des textes ou des images sur son cahier de caté.

François parlait peu et pas très distinctement. Il criait souvent, il donnait l’impression de ne pas écouter, bref, son comportement intriguait les autres enfants, aussi étaient-ils étonnés de découvrir que François savait lire et écrire.

Changer le regard …

Ce souci du regard de l’environnement, nous l’avons rencontré lors des rassemblements et des messes. Un enfant autiste est angoissé par la foule, le bruit, il ressent très fort les vibrations : être dans une accumulation de vibrations est insupportable pour lui.

Il lui fallait supporter le regard des autres enfants, des autres parents, des personnes de la communauté : regards d’incompréhension, de moquerie, ou tout simplement de tristesse, de pitié. Rien de bien positif pour nous !

Dans ces cas- là, François, en souffrance, développait encore plus fort son comportement « anormal » !

Une fois, lors d’une veillée de Noël réunissant les enfants du caté et la communauté, j’étais excédée par François, ses cris, sa surexcitation et les regards de la communauté. Je suis donc sortie avec lui au milieu de la célébration, traversant une marée de regards tristes et, arrivée au fond de l’église, j’entends le prêtre qui dit :

« Eh bien, François, je comprends que tu nous quittes, car cela fait un peu long pour toi, mais tu as ta place parmi nous, et tu reviendras, j’espère ! »

Le Père M. avait à l’époque 95 ans, et son soutien nous a toujours encouragés !

Accueillir l’inattendu

François assistait de plus en plus longtemps aux séances de caté, même si parfois il semblait être ailleurs, ou bien s’il se mettait à chanter très fort la dernière pub entendue à la radio au beau milieu d’une phrase !

Il a préparé sa première communion en deuxième année avec le parcours : « Viens, Seigneur Jésus ! » Nous avions deux exemplaires du livret, l’un pour préparer tranquillement à la maison, et l’autre que François remplissait lui-même en groupe avec les douze enfants réunis, et moi à côté lui expliquant à voix basse. Cela se passait très bien et l’on s’aperçut alors ce que François comprenait et ressentait : en appelant Jésus « Nu pieds », en criant « Témoin ! » au beau milieu de la messe, etc.

Aménager sans s’isoler

Pour sa première communion, ce fut l’angoisse totale : on aurait aimé qu’il la fasse en même temps que les autres, un peu pour montrer aux autres ce qu’il était « capable » de faire, et pour que lui se sente accompagné par ce groupe. Mais un jour de première communion n’est pas une messe comme les autres : il y a les familles, beaucoup de têtes nouvelles, une sorte de solennité qui n’aurait fait qu’augmenter le stress.

Aussi, nous avons opté pour que sa première eucharistie se passe simplement pendant la messe du dimanche quinze jours après les autres. Mais en l’annonçant dans le mot d’accueil de la première communion des autres enfants nous faisions un lien entre les deux célébrations.

Et effectivement, quinze jours après, les camarades de caté étaient là, et d’autres personnes de la communauté venues pour François.

Chaque fois que François communie, c’est un moment très fort, et toute la communauté, maintenant habituée à lui, est attentive et attentionnée.

Prévoir les obstacles pour les dépasser

Avec François, il faut toujours anticiper, le préparer à ce qu’il va vivre. Par exemple, pour la retraite de profession de foi, il fallait déjà qu’il accepte le lieu de la retraite, un endroit qu’il ne connaissait pas. Comme je suis animatrice, je l’ai emmené avec moi quelques jours avant pour installer les tables et les chaises, il est resté dans la voiture pour m’attendre, ne voulant pas entrer. Mais le lundi, au moment de commencer la retraite, il est entré sans problème et il a pu participer avec cinquante autres enfants du secteur !

Partager ses questionnements

Avec M-T, nous sommes allées aux rencontres régionales de « Pédagogie catéchétique spécialisée » pendant plusieurs années. Là, autour de deux prêtres, nous étions un bon nombre d’animateurs et de parents à échanger nos expériences et nos réflexions, cela nous a soutenues énormément et aussi donné des pistes concrètes.

Quand François était petit, nous n’aurions jamais espéré autant pour lui !

Bien sûr, il y a eu ces moments si difficiles au début, mais quand on voit comme il est connu et accepté aujourd’hui, cela fait chaud au cœur !

Nous avons eu de très belles rencontres qui nous ont souvent aidés à traverser les périodes de découragement : des animatrices chaleureuses, des prêtres compréhensifs et des parents amicaux. Qu’ils en soient tous ici remerciés.

Catherine

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